La défense de Srasbourg

Le fort Rapp / Moltke et la défense de Strasbourg

Le projet initial prévoit la construction de 36 forts, autour de la ville, mais reculant devant une telle dépense, les Prussiens en construisent 14 (11 en Alsace et trois en pays de Bade. Ils sont édifiés à une distance variant entre 4500 à 8000 mètres de l’enceinte urbaine, sur une courbe de 33 km.
Puissamment armés, ils peuvent mutuellement s’appuyer entre eux, car ils sont distants de 1800 à 4400 mètres. À fossés secs ou plein d’eau selon la hauteur de la nappe phréatique, ils sont exclusivement utilisés pour l’artillerie, avec selon leurs dimensions, de 22 à 36 canons.
La mission de ces forts avancés est :
– De fixer l’éventuel assaillant au-delà de la portée d’artillerie.
– De protéger les voies de communication (routes , canaux et voies ferrées).
– D’appuyer les soldats de la garnison en cas de mouvement extérieur et de leur assurer un refuge en cas de repli.
– De s’appuyer mutuellement en cas d’attaque afin de pouvoir, selon la formule d’école, se canonner l’un l’autre.

Les travaux de construction des cinq premiers forts sont adjugés le 12 février 1872 à différents consortiums d’entrepreneurs. Dans un premier temps, les forts prennent le nom des communes où ils sont implantés, puis un numéro leur est attribué par le génie allemand. Un décret impérial du premier septembre 1873 leur donne le nom d’une personnalité allemande. Par la suite (en 1919), les forts prennent des noms de généraux français.

Fort de la Wantzenau – Fort I – Fort Fransecky – Fort Ney
Fort de Reichstett – Fort II – Fort Moltke – Fort Rapp

La construction du Fort de Reichstett entraîne des mouvements de terrain considérables. L’adjudication précise que les travaux engendreront environ 240 000 m3 de terrassement et 160 000 m3 de maçonnerie. Les travaux  de celui-ci débutent en mai 1872 et se terminent en 1874 sous la direction de deux officiers du génie Hauptmann Stephan (72-73) et Volkmann (73-74).

Une main-d’oeuvre importante venant des pays limitrophes est utilisée. Deux à trois mille ouvriers participent à la construction des forts des maçons wurtembergeois, allemands, suisses, autrichiens, bavarois mais surtout italiens. Les habitants de Reichstett doivent travailler gratuitement un jour par semaine au fort.
Les ouvriers sont logés sur place dans des baraquements implantés autour des ouvrages. Ils reçoivent, une partie de leur salaire dans une monnaie spécialement créée par les autorités pour Reichstett, le Gorius, nom du cantinier local, et qui a cours uniquement dans le fort de Reichstett.
Le fort de Reichstett est inauguré le 26 septembre 1874 et mis en service en 1875.

Ce n’est qu’après la construction de la ceinture des forts que les prussiens s’engagent dans la réalisation de l’enceinte fortifiée de la ville proprement dite. Très endommagées par le dur siège de 1870, les anciennes fortifications sont réaménagées. Longue de plus de 11 km, la nouvelle enceinte est naturellement commencée par la partie la plus dangereuse, celle à l’ouest de la rivière l’ Ill. Elle est constituée par un talus (courtine) de 12 mètres de hauteur et large de 40 mètres. Tous les 500 mètres de larges bastions (Kavalier) culminent à 13 mètres de haut. Les travaux débutent au printemps 1877 par la construction :
– De la Porte  de Pierre (Steintor)
– De la Porte de la Tour Blanche (Weissthurmtor)
– De la Porte de la montagne verte (Grunenbergtor).

Cette enceinte représente au final :
– 11 portes d’entrée de ville
– 1 porte de guerre (Kriegstor)
– 1 passage de guerre
– 3 tunnels pour les voies ferrées.

Il ne reste que peu de choses de ces fortifications suite à l’extension de la ville.

En 1885, la découverte d’un nouvel explosif chimique surpuissant, la mélinite et la fabrication d’obus torpille entraînent une profonde crise en matière de construction militaire, tant du côté français que du côté allemand. Toutes ces constructions deviennent obsolètes.

Il faut donc réaménager le fort :
– Renforcer le dessus des ouvrages par l’application de béton et de bloc de granit.
– Sortir les pièces d’artillerie à l’extérieur.
– Equiper certaines fenêtres de la caserne avec des postes de tir.
– Fermer certaines ouvertures.
– Modifier la double caponnière de tête en coffre frontal, mieux protégé et équipé de canons revolver.
– Équiper les murs des contrescarpes de grilles métalliques.
– Installer des portes anti-souffle à certains accès.
– Renforcer les défenses du fort avec des canons plus puissants.
– Aménager deux batteries annexes à l’extérieur du fort.

En 1892 la traverse abri côté ouest, avec le monde charge à munitions, est transformée pour être dotée d’une tourelle d’observation type GRUSON permettant de commander le tir de ces nouveaux canons.

Le dernier fort de la ceinture est achevé en 1887.
Cinq ouvrages intermédiaires sont ajoutés à partir de 1887 (Zwischenwerke), pour compléter le système défensif en place (19 ouvrages au total). Ils prennent le nom des deux grands forts avoisinants.
Pour Reichstett: ouvrage intermédiaire Fransecky /Moltke

L’ensemble fera de Strasbourg, vers 1890 une place forte de premier plan.

Un télégraphe souterrain relie les 14 forts entre eux mais également l’hôtel du Gouverneur commandant la place de Strasbourg.
En 1908 tous les forts sont équipés d’installations électriques.

Mais la ceinture des forts perd peu à peu de son importance stratégique.
Suite à l’évolution de l’armement, l’état-major allemand décide de construire à partir de 1893 un nouveau système défensif à Mutzig pour défendre Strasbourg.

Cette citadelle s’achève en 1914 avec des canons cuirassés Elle s’étend sur une surface de 254 ha et peut avoir un effectif de 6500 hommes avec artillerie sous tourelles ou boucliers  blindés.